Les dents de la mer
Les requins sont omniprésents en Calédonie, sur le récif et dans les lagons, les espèces qui y vivent requin pointe blanche, requin gris de récif, requin à pointe noire, peuvent être agressifs mais généralement ils sont inoffensifs et aller à leur rencontre est un but de plongée, ce que nous ferons à Bourail, par contre depuis quelques temps d’autres espèces de pleine mer, requins, bouledogues, citrons, tigres et grand blanc hantent les côtes et les plages semant la panique parmi la population après plusieurs attaques mortelles sur les plages de Nouméa. Un vrai scénario à la Spielberg.
Après quelques mois de fermeture des plages, la mairie de Nouméa pour redonner goût à la baignade et répondre à la pression et aux revendications de ses concitoyens, a du installer pour un coût exorbitant un filet inox fermant intégralement la baie des citrons aux intrusions des squales mangeurs d’homme. Depuis la belle baie de centre ville à retrouvé ses airs de Côte d’Azur. Les autres baies et plages des alentours sont de nouveau libres d’accès mais aux risques et périls des baigneurs. Alors on se fait peur en allant nager quelques brasses non loin du bord là où l’on a encore pied imaginant « Jaws » surgir des profondeurs et ne faire qu’une bouchée des « zoreilles » intrépides.
Debout 6 heures, aujourd’hui nous avons rendez-vous avec les fonds marins d’un des plus grands et plus beaux lagons récifals du monde classé au patrimoine mondial depuis 2008. À 7 heures l’équipe de Blue Caledonia diving nous accueille et nous équipe pour une journée à l’îlot du phare Amédée, phare installé sous Napoléon III au début des grandes heures de la Caladonie. 45 minutes de navigation, la mer est calme et le bateau trace vers l’îlot perdu au milieu du lagon. Au loin nous appercevons les vagues du récif corallien qui protège le site. L’eau est bleue du bleu des mers du sud ! Transparente et turquoise comme ça n’est pas possible ! Nous ne sommes pas encore accostés au ponton de l’îlot que déjà quelques tortues nous accueillent, pour nous c’est magique, pour l’équipage pas plus magique que de voir des lapins sur le bord des routes du Pas de Calais. À chacun son exotisme !
Engoncés dans nos combinaisons, bouteille sur le dos, détendeur en bouche, nous rejoignons la zone d’un tombant pour la première plongée de la journée, au programme une balade sous marine de 45 minutes dans le récif corallien site de la forêt du Snark, pour cette première plongée pacifique, nous ne sommes pas déçus c’est un peu comme plonger dans les bassins de Nausica, mais en mieux …
De retour sur le bateau déjà nous pensons à la plongée suivante qui doit nous mener sur l’épave du Toho V posé par 30m de fond, nous ne descendrons pas sous les 20 m car notre niveau ne nous le permet pas, mais cela est suffisant pour entrer dans la cale de l’épave, ressortir sur le pont prendre les coursives accompagnés par de lassives loches prètes à gober le premier poisson imprudent. C’est tout simplement entre Jules Verne et Cousteau, un rêve d’enfant qui se réalise.
photo libre de droits
Pouvait-on imaginer mieux après de tels moments, et bien oui, il y a le lagon de Poé/Bourail, comment dire l’incroyable et sauvage lagon de la faille aux requins.
Après avoir fêté Noël à Nouméa, nous sommes donc partis vers Bourail et l’auberge de la plage de Poé pour un nouvel an du bout de monde par 30° la nuit et 12 heures d’avance sur nos compatriotes de métropole. Alors que tous étiez encore à l’apéro, nous nagions déjà en 2024 devant notre auberge en compagnie d’une très belle tortue verte, belle image pour bien commencer l’année.
Le lendemain nous avions programmé deux plongées avec le Bourail Aqua diving. Seule et unique équipe de plongée du secteur, installée dans un petit bâtiment à l’embouchure de la rivière Néra. Le staff est limité, 3 personnes et un semi-rigide de 8 places, par contre l’équipement et l’organisation sont très pro et c’est en toute confiance que déjà en tenue nous filons avec notre guide vers le grand coude de Kele pour deux plongées inoubliables d’une heure chacune au milieu d’un banc de requins gris et de pointes blanches, de vols de raies aigle, d’une rencontre avec une rascasse poule (attention mortelle si elle te pique!), de Napoléons énormes, d’une raie pastenague de près de 2m avec des passages par des grottes et tunnels coralliens naturels du récif, des mérous et des loches à profusion, des petits « Némo » et autres poissons multicolores bref on ne savait plus où donner de la tête tant il y en avait…
Le lendemain nous avions rendez vous à La Foa où Christophe le cousin calédonien que je n’avais pas revu depuis 53 ans nous attendait avec Anicia sa femme !
On a un peu changé, beaucoup vieilli et finalement on se rend compte que ce qui nous lie est peu de chose quelques souvenirs de notre très jeune enfance et histoires du grand-père Poulain. Christophe 5 ans plus jeune que moi est arrivé à l’âge de 3 ans en Calédonie, y a fait sa vie et avec Anicia, ils sont maintenant retraités après une carrière d’enseignants à l’école publique de La Foa profitant du régime très avantageux des expatriés (là je suis un peu jaloux!), ils ont fait le choix d’en profiter et ils ont bien raison. Nous passons deux jours en leur compagnie à discuter de leur magnifique pays et comprenons un peu mieux l’histoire Calédonienne sans pour autant avoir abordé le sujet sensible de l’indépendance.
Séraphin et Tomé ont été très content de rencontrer ce cousin des antipodes et ont adoré son mode de vie dans la brousse Calédonienne avec ses 3 chiens, le gros 4×4, le bateau, les motos et la piscine… se rendant compte très vite que finalement il faut être né là pour vivre comme ça car au bout d’un moment on doit s’ennuyer (dixit les garçons) sur une île de 270000 habitants à l’autre bout du monde.
Adieu cousin, et à un de ces quatre dans une autre vie qui sait!
Au bon Kava
Sur les conseil de Christophe, nous mettons le cap au nord-est de l’île vers Touho. La route sinueuse traverse le massif montagneux calédonien par le col des roussettes et plonge vers le versant Est et les verdoyantes tribus que l’on y croise.
Nous avions réservé dans une petite auberge au bord de l’eau, chez Stann qui après des années à Nouméa est revenu dans sa tribu pour y installer ce petit lieu fort sympathique. Il nous emmène le premier soir au Nakamal pour y tester le Kava !
La cabane de trois pièces est tout en tôle au milieu de bananiers, papayers et arbres tropicaux, un terrain de pétanque et un préeau désuét garni de tables et chaises de jardin complètent le lieu décoré en extérieur de quelques tags à la gloire du « bon Kava » et à l’intérieur d’un grand drapeau Kanac et quelques slogans prônant l’indépendance.
Le décor est planté, nous sommes dans un Nakamal comme il y en a partout dans les tribus, lieu de sociabilité et de réunion où chaque fin de journée tous se retrouvent (femmes et hommes) pour boire le fameux Kava, cette boisson extraite par pressage de la racine du Kava. Apparenté au poivre, ça se sent au goût, le Piper methysticum, en raison de ses propriétés psychotropes est utilisé depuis des siècles dans la vie religieuse, culturelle et politique de l’ensemble du Pacifique.
Le kava est préssé (à tour de rôle) l’après midi pour être bu frais car il ne se conserve pas. Dès 16h les premiers habitués arrivent et par petits groupes s’installent pour discuter le bout de gras et de l’avenir du caillou, ou alors se tapent une partie de billard ou de pétanque. Nous sommes invités à joindre un petit groupe de femmes et d’hommes que Stann nous présente et très vite il faut lever !
Lever quoi ? Et bien lever la demi noix de coco que le proposé au service du kava vous aura rempli en simple ou double (à 100 francs pacifique le simple).
Comment dire, c’est plutôt particulier, le liquide est blanchâtre, entre goût de poivre, de réglisse et de terre, mais pour lever il faut se mettre devant la gouttière et ensemble boire cul sec le breuvage, laver sa noix de coco, la remettre sur la table de service et partir se rassoir avec le groupe.
Le premier effet est en quelque sorte anesthésiant pour les papilles, le goût reste un peu en bouche et n’est finalement pas si désagréable. Nous reprenons nos discussions, et déjà il faut lever de nouveau… même rituel mais cette fois je tente un double ! Ce deuxième essai délie les langues et diffuse un peu dans les membres. Les discussions vont bon train qu’il faut encore lever… à la quatrième noix de coco on sent quand même… non plutôt on ne sent plus trop ses jambes tout en ayant l’esprit totalement clair, sensation étrange et nous nous arrèterons là, ne préférant pas savoir jusqu’où va l’effet narcotique et psychotrope du produit.
Pour vous dire la nuit fut bonne du sommeil du juste, sans autre souvenir que de se réveiller en forme sans aucun effet de l’expérience de la veille.
Dans nos discussions, nous avons raconté notre voyage et aussi parlé du carnet qu’il a fallu aller chercher pour leur montrer,
-C’est toi qui dessine les portraits ?
-Ben oui, si j’avais eu le temps et si je n’avais pas testé le Kava, j’aurais pu vous dessiner le votre.
-Ah oui! Ben alors il faut pas partir demain et venir pour le kava nous faire nos portraits pour ton carnet
C’est ainsi que nous avons décidé de nous poser une journée de plus, non loin du Nakamal de Timai Touho, pour le lendemain venir à l’ouverture et retrouver mes nouveaux amis Kanacs.
Après 3 heures non stop de dessin de ces magnifiques tronches, je suis devenu « une star » au Nakamal du coin et je finissais la soirée à lever plusieurs fois avant de quitter les jambes un peu molles et la tête pleine d’un bon moment de rencontre.
Depuis Stann m’a envoyé un message me demandant de lui envoyer les photos des dessins pour les imprimer et les exposer au Nakamal de Timai Touho !
En écrivant ceci de Vanuatu 5/6 jours après, le goût du Kava me revient et je revois ces regards profonds où se cache l’âme d’un peuple avec qui j’aurais aimé partager un peu plus de temps…
Mais il faut reprendre la route et mettre le cap sur Valparaiso, pour la deuxième partie de ce merveilleux voyage.
Magnifique récit du bout du monde! Du bonheur et de la chaleur qui reanime notre pays engourdi par l’hiver.
Profitez bien chers amis!
Trop beau ! Quel aventure !
Moi qui cherchais juste des photos de votre maison pour montrer a un ami qui a un projet similaire , je tombe sur une incroyable aventure !
J’admire votre courage et merci de nous partager ces moments magiques …
Gros bisous et bonne continuation !
Salut Julien,
super d’avoir de tes nouvelles. Pleins de bises à ta jolie famille depuis la Baie de Rio (que c’est beau!)
Bonne année les copains !
Ravie d’avoir pu croiser votre route à Bali !
Merci pour le bon accueil
Je retrouve bien la nouvelle calédonienne et ses couleurs incroyables que j’ai visité il y a … une 30ene d années
À cette époque la rivalité entre caldoches et canak était fort présente, qu’en est-il maintenant ?
Big bises, Claire
Ton passage dans notre « chez nous éphémère » de Bali a été super réjouissant! Et la suite de ton séjour à Bali avec ta tribu pas mal non plus, je crois! C’est super se croiser au bout du monde. Là nous venons de passer une semaine à Buenos Aires à partager une maison avec un couple d’amis! Que du bonheur. Et puis cela permet d’envisager la suite du voyage un peu autrement.
En Nouvelle-Calédonie nous n’avons pas ressenti la rivalité entre les mélanésiens et les calédoniens descendants des colons européens et des anciens bagnards, mais par contre la ségrégation spatiale est très marquée et le désoeuvrement en ville d’une partie de la population, majoritairement masculine et jeune est visible. Que ce soit entre les quartiers à Nouméa ou entre ce qu’ils appellent « la brousse » et notamment la province Nord où « les kanaks » sont plus de 70% de la population, tu sens bien un clivage. Et puis, la population est beaucoup plus métissée que ça aujourd’hui puisque des gens du Pacifique, d’Asie, d’ailleurs, sont nombreux à s’être installés dans cette partie de la France.
Après tu sens bien que le sujet de l’indépendance est un sujet tabou et que des tensions peuvent cristalliser très facilement. C’était passionnant de visiter des lieux culturels comme le centre Tjibaou ou comme le centre pénitentiaire de Teremba et de comprendre l’histoire des familles et les dégâts de la colonisation. Bref, le pays est en construction et le processus d’autodétermination a bien avancé après trois référendums, dont certains boycottés par les indépendantistes… mais c’est long et fragile.
Votre voyage me fait penser au dernier film de Wim Wenders « Perfect days » , film splendide d’ une grande spiritualité sur la beauté de l’instant présent. Merci de parvenir à nous faire ressentir ce » maintenant c ‘est maintenant ! »
Amitiés mes quatre B
coucou les amis, quel bonheur de vous lire en notre hiver gris, merci!
Bises
Depuis l’Allemagne, salutations à la tortue à tête verte et à tous les autres êtres vivants !
Bonjour à tous les deux,
c’est un immense plaisir de rencontrer des tortues régulièrement depuis que nous sommes en Amériques du Sud. La dernière tortue verte, c’était sur la Costa Verde, au Sud de Rio, où chaque jour elle s’approchait de la maison et nous pouvions l’observer depuis le ponton. Quelles émotions.
Nous avons aussi visité dernièrement un lieu dédié à la conservation et à l’éducation au Brésil. Le projet Tamar à Ubatuba. Passionnant.
La prochaine fois que vous aller à Pico, chercher à voir la Careta Careta, Luc l’a déjà croisé avec un masque et un tuba du coté de la falaise en face du port de Calhau. Bises
Hello les 4b
Heureuse de vous lire !!!
Je vois que ce début 2024 commence fort belles couleurs belles photos belles plongées belles rencontres et expériences🥴🤣🤣🤣nous avons hâte nous aussi de voir vos carnets de voyages !!!!
Poursuivez vos belles aventures cela nous fait du bien car ici la révolte paysanne gronde !!!!
On vous embrasse ⛷❄️☃️😍😍
Bonjour aux aventuriers
un petit coucou d’Ecoivres, certes tardif, mais nous restons en pensées avec vous à chacune de vos lectures, qui nous font voyager et rêver. C’est vraiment un réel plaisir de découvrir votre épopée au travers de vos récits et pour cela nous vous remercions. Bonne continuation dans votre fantastique aventure et au plaisir de vous lire lors des prochaines destinations.
Amicalement
Thierry -Marie
Salut les aventuriers. Quel plaisir de vous lire. Vous savez ce qu’il vous reste à faire en rentrant📖📕 (si vous rentrez 😃)
Bonne continuation.
Arnaud