Voyage au centre de la terre

par | 13 Déc 2023 | Au jour le jour | 6 commentaires

Le BROMO entre rêve et réalité…

Ils nous ont kidnappés en pleine nuit vers 0h30 alors que nous dormions tranquillement à l’auberge de jeunesse de Malang dans l’East Java. Emmenés dans l’inconfort d’un vieux BJ42 Toyota vers une destination inconnue. Après je crois 2h30 de pistes chaotiques nous avons été amenés en haut de la falaise du cratère du Tenger au point de vue nommé King Kong Hill. De hauts dignitaires javanais affublés de ridicules artifices étaient là avec les prètres en grande tenue de cérémonie. Des centaines de fidèles principalement chinois, vétus de grosses doudounes tombantes jusqu’aux pieds, s’étaient alignées sur la crête pour ne rien perdre du spectacle. De ce point de vue, dans un froid contrastant avec les chaleurs tropicales de Malang, ils avaient face à eux l’immensité de la nuit javanaise.

Quelques jours avant,  le volcan Marapi était entré en éruption sur Sumatra faisant plus de vingt morts, de peur que cela ne se produise ici à Java avec le Semeru, les autorités de la région avaient réagi, et sur les conseils de prètres illuminés, il fallait procéder à un sacrifice humain dans le Bromo pour en calmer la colère éventuelle. Du belvédère tous attendaient silencieusement le levé du soleil et scrutaient l’alignement des étoiles pour savoir la décision des dieux. Vers 5h les premiers rayons oranges et mauves  irradiaient le levant et sculptaient l’horizon de la chaîne volcanique du Semeru culminant à 3676 m. Au pied de la falaise apparaissait l’immense plateau de cendres volcaniques résultante en des temps lointains de l’effondrement de la caldera du Tenger. Au milieu de cette mer de sable, le cône parfait du Batok et sur sa gauche le long cratère fumant du Bromo. Si notre situation n’était pas celle que nous vivions entre les mains de nos géoliers nous aurions certainement trouvé ce levé de soleil sur le Bromo sublime, si ce n’est que notre sort en dépendait. C’est dans cette image irréelle, que les cris montèrent des gesticulations des prètres. Ies étoiles et les dieux avaient parlé.

À 5h27 exactement au moment où le Semeru éructait son nuage de cendres, l’alignement de la constellation de la vierge avec l’autel sacrificiel du Bromo était parfait; le sacrifice allait avoir lieu. C’est quand je fus pris vigoureusement par 4 de mes gardes que je compris que c’est « le blanc chauve et barbu » qui allait être sacrifié… quelque part ma terreur disparu, les enfants et Laurence seraient épargnés. En un rien de temps, tous se ruent vers les véhicules formant  un innommable bouchon, puis se mettent en route en un long serpent de centaines de Toyota multicolores tous identiques (les fameux BJ42) dévalant les pentes raides du Tenger, se ruant vers le Bromo dans un terrifiant nuage de cendre.  Il faut bien une heure pour rejoindre le temple au pied du Volcan vénéré.Tous les 4X4 se garent en ligne comme l’immense parking d’une usine Toyota abandonnée des années 80, desquels des hordes de pélerins scotchés à leurs smartphones descendent pour suivre les pas des prètres et par la-même des miens.

Je me sens léger de savoir ma petite famille aimée sauvée de mon funèbre destin et d’un pas allègre je gravis encadré des mes gardiens les premiers raidillons du volcan jusqu’au pied de l’escalier monumental menant au cratère lieu de mon sacrifice. En contre bas c’ést la fête, les uns se bafrant de Durians à la forte odeur, alors que d’autre posent pour des selfies ridicules sur de petits cheveaux arc en ciel, ou suent corps et âme à nous suivre pour ne rien rater du rituel.

Une mort certaine…

Sans même pouvoir réagir je suis propulsé debout sur l’autel de mon sacrifice, découvrant l’énorme cratère. Le bruit de la foule disparait et seul les rugissements assourdissants du cratère bouillonnant persistent. Le cône inversé du volcan, fait de cendres amalgamées par les pluies diluviennes des moussons, verse dans un trou béant, tel une gueule affamée de plusieurs centaines de mètres de profondeur, de laquelle monte des terribles bouillonnements du magma, une lourde vapeur corrosive. Mon linceul est là, face à moi, envoûtant et effrayant à la fois, le temps, mon temps s’arrête, je scrute maintenant les entrailles de la Terre sans crainte, et je comprend en ces derniers instants, pourquoi tant de croyances sont nées des volcans en activités, mon sacrifice aurait du sens si nous n’étions pas en 2023. Mais là ? on est pas dans un film merde! et à l’heure de la technologie et de la science c’est quand même con de finir comme ça… je panique un peu et j’ai une dernière pensée pour ceux que j’aime quand je sens une main ferme dans le dos….

Je me réveille en sueur et en sursaut, Tomé qui dormait avec moi vient de me pousser car soit disant je gesticule et je ronfle…

Pas étonnant après ce que je viens de vivre!

Nous garderons du Bromo l’incroyable souvenir de notre premier volcan en activité, et pour les garçons d’une magnifique leçon de géologie grandeur nature. 

6 Commentaires

  1. manier

    Ah !! Durdur !! Je me suis laissée prendre par ton récit !!!

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    • Luc

      Imaginez, si c’était arrivé pour de vrai, On aurait certainement défrayé la chronique en Tarentaise ! Mais finalement c’est pas plus mal comme ça et on continue sur Bali avant de basculer dans le Pacifique pour les fêtes. Bonne neige et bises à vous deux.

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  2. Yann

    Salut Luc depuis le Ceara au Brésil

    J’ai eu peur pour toi.
    Heureusement que c’était un cauchemar !! J’y ai cru jusqu’au bout😅. Tu as l’art du conteur mon ami!

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    • Luc

      Ola os amigos Dufief, Tudo bem ? Super de vous savoir au « Rouge Brésil » profitez bien et à très bientôt à Buenos Aires. On s’appelle via whatsapp dès qu’on sera en Caledonie (vers le 23). Bises

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  3. Nathalie BAUDIN

    C ‘est le RÊVE total ! Vous allez tous rentrer transformés par toutes ces expériences. Et comme les garçons ont grandi !
    Bon vent !

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    • Laurence

      Tu l’as dit, c’est incroyable! J’ai parfois besoin de me pincer pour être sûre que je ne rêve pas mais que je suis bien en train de vivre tout ça.
      Et puis les volcans et moi, c’est un peu une grande histoire d’amour.

      Les garçons auront 14 ans dans quelques mois, c’est quelque chose… Ils sont bien loin les « petits nez à moucher » que je te confiais chaque matin à la porte de ta classe. Sacrée nouvelle aventure de vie familiale ce voyage. Le rêve (?). Savoir que vous nous suivez me fait aussi du bien.
      Je te quitte, je suis en train de me faire dévorer par les moustiques…
      Je t’embrasse. Laurence depuis Vanuatu (dernier jour en Océanie, le 13 janvier on bascule en Amérique du Sud!)

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